Les Supply Chain dans le monde VUCA

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Complexité, instabilité, volatilité, VUCA… Ce sont les nouveaux termes qui décrivent l’environnement business du 21ème siècle. Mais qu’est-ce que cela signifie vraiment ? Découvrons comment s’adapter à ces nouveaux enjeux ? DDMRP, S&OP, Stratégie Industrielle… Il existe plusieurs solutions à ces nouveaux challenges.

Le monde VUCA

Nous sommes prêts à faire un pari : prenez un panel de n’importe quels industriels dans le monde, nous trouverons toujours un point commun entre eux. Ils auront tous vécu ces dernières années des changements brusques et violents de leur environnement, qui auront impacté leur Supply Chain.

Et ces changements se répercutent jusqu’à notre quotidien avec par exemple la farine qui était devenue d’un coup introuvable pendant le confinement du COVID en 2020 (parce que tout le monde s’est mis en tête de faire son pain comme sur Instagram).

Bref ce quotidien instable a un nom : le monde VUCA pour Volatile– Uncertain– Complex – Ambigu.

Et piloter un business dans ce monde VUCA, c’est comme essayer de naviguer en pleine mer : c’est imprévisible !

V pour Volatil

Un environnement volatil désigne un monde où rien n’est constant, où tout est très fluctuant : un monde où les changements s’enchaînent et les situations évoluent très vite dans un sens comme dans l’autre. Définition qui s’applique donc très bien au monde des Supply Chain aujourd’hui.

Tout comme l’océan qui est sujet à des changements constants et imprévisibles (tempêtes, vagues, courants marins…), les Supply Chain évoluent dans un environnement en constante mutation (demandes fluctuantes, ruptures d’approvisionnement, changements réglementaires…). Les entreprises doivent être prêtes à réagir rapidement aux perturbations inattendues. Un jour il fait beau et le lendemain c’est la tempête.

Exemple : la forte demande de vélos en sortie de covid, avec des industriels en sous capacité VS la forte baisse de la demande 2 ans après avec des entreprises surstockées. Ces changements soudains sont très difficiles à gérer.

U pour Uncertain

Incertain, comme une époque où, en plus de subir des changements perpétuels dans un sens ou dans l’autre, il est très difficile de prévoir l’avenir. La seule chose dont nous sommes sûrs c’est que les prévisions restent des prévisions, elles seront donc fausses ! Le futur ne ressemble jamais au passé, il y a aura toujours des événements imprévus pour bousculer le cours des choses. À l’image de l’océan, il est impossible d’anticiper tous les courants sous-marins et les réactions des animaux sauvages.

Reprenons notre illustration des vélos : qui aurait pu prévoir la hausse des ventes de vélo et donc de la demande des composants, notamment chez Shimano l’un des plus grands acteurs (fabrication des transmissions, pédaliers, freins) ? Impossible de l’anticiper, il faut donc être en mesure de réagir vite, d’être agile !

C pour Complexe

On a coutume d’entendre que le monde de la Supply Chain d’aujourd’hui est complexe. Un peu facile comme conclusion. Qu’est-ce que ça signifie exactement ? C’est simple : pouvons-nous prévoir l’effet de la modification d’un seul paramètre sur toute une Supply Chain ? Bonne chance. À l’instar de l’écosystème marin où la faune et flore sont très connectées créent un équilibre fragile, pour une Supply Chain, il faut prendre en compte la multitude de connexions qui existent, la multitude d’acteurs, l’interdépendance des systèmes et sans compter la masse de datas disponible…

Toujours avec notre exemple des vélos, la hausse vertigineuse de la demande au printemps 2020 ne s’explique pas uniquement par le désamour des transports publics après le COVID. Plusieurs facteurs y ont certainement participé également : l’arrivée des beaux jours qui donne envie d’enfourcher un vélo, le gouvernement qui met en place un plan vélo avec des aides au financement, le “vélotaf” qui se démocratise, l’argument de santé ou encore les investissements de nombreuses villes pour favoriser les déplacements en vélo depuis des années.

A pour Ambigu

L’ambiguïté fait quant à elle référence à la difficulté de comprendre et d’interpréter ce qui se passe. Les entreprises sont noyées sous des datas, sans pour autant avoir des informations pertinentes pour piloter leur business.

Lors d’un point presse de la coupe du monde de foot 2018, 2 joueurs ont écarté une boisson devant eux. Cristiano Ronaldo a repoussé des bouteilles de Coca-Cola, qui a chuté en bourse le lendemain. Paul Pogba a eu le même geste avec Heineken, mais cette fois l’action est partie à la hausse. Même signal, deux conséquences directement opposées. Bonne chance aux Demand Planners pour prévoir les conséquences d’un geste, d’un évènement sur leurs Supply Chain !

De plus en plus d’exigences dans les Supply Chain

En parallèle de ce monde VUCA, on observe depuis des années une augmentation des exigences clients, à tous les niveaux.

1. La diversification des produits

Le premier point notable concerne la diversification des produits. Si avant un industriel pouvait se contenter de sortir 1 seule version d’un produit, aujourd’hui chacun souhaite son produit personnalisé.

Cette diversification a de nombreux impacts sur les Supply Chain : plus de composants différents à gérer, plus de priorisation de production entre tous les modèles etc. Par exemple, de nos jours, nous avons le choix entre des vélos électriques ou musculaires, mais aussi de différents types : vélo hollandais, vélo de route, vélo tout terrain, gravel, pliant, cargo et bien d’autres… Et on ne parle pas des différentes couleurs et type d’accessoires etc.

Évolution des bateaux IMOCA pour illustrer l'évolution de la complexité et de la réduction des délais dans le Monde VUCA

2. La tolérance sur les délais

Autre point impactant les industries à l’ère du e-commerce : « l’effet Amazon ». La tolérance sur les délais clients diminue de plus en plus, que ce soit en B2C ou en B2B. Le client qui était prêt à attendre plusieurs semaines pour avoir son vélo bien configuré. Aujourd’hui, ce dernier, voudra être livré en quelques jours, contraignants les industriels à avoir des produits standards disponibles « sur étagère » et configurables à la demande.

Mais on peut en citer pleins d’autres : les cycles de vie des produits de plus en plus courts, des articles avec des délais d’approvisionnement de plus en plus longs, une pression de plus en plus forte pour réduire les stocks…

Des méthodes de plus en plus agiles pour faire face au monde VUCA :

Le monde VUCA est donc devenu la nouvelle normalité et les entreprises doivent trouver des solutions pour leur Supply Chain, afin de répondre aux exigences du marché dans cet environnement. De nombreuses approches répondent à ces nouveaux enjeux d’agilité et de résilience.

1. Planifier en flux tiré avec le modèle Demand Driven (DDMRP)

La normalité d’il y a 50 ans est donc bien différente de celle d’aujourd’hui. Pourtant, bon nombre d’entreprises continuent à planifier leurs Supply Chain comme au siècle dernier : sur la base des messages de leur MRP (calcul des besoins nets). Cette méthodologie fut certes innovante quand elle a été inventée, avant d’être popularisée avec l’arrivée des ERP. Mais nous venons de voir que les Supply Chain des années 65 ne peuvent pas être comparées à celles d’aujourd’hui…

C’est ce constat qui est à l’origine de l’émergence du DDMRP (Demand Driven Material Requirement), au début des années 2010. Loin d’être une révolution, la planification en flux tiré est une évolution des bonnes pratiques précédentes. Elle se base sur les concepts clés du MRP, du Lean mais aussi de la Théorie des contraintes, tout en y apportant ses propres innovations.

Cette méthodologie de planification tirée par la demande utilise par exemple le concept de stocks de découplage, aussi appelés buffers, pour absorber les différents aléas d’une Supply Chain. De plus, ces buffers permettent de compresser les lead time, tout en réduisant les stocks. C’est grâce à cette innovation que le DDMRP est une méthode simple et très visuelle de planification & de pilotage en flux tiré.

2. Piloter les entreprises industrielles avec un processus S&OP

Le processus S&OP (Sales and Operations Planning), aussi connu sous le nom de PIC (Plan Industriel et Commercial), existe depuis les années 1990 mais est pour le coup toujours d’actualité. Transverse, il permet d’aligner tous les acteurs de l’entreprise : les ventes, le marketing, les approvisionnements, les achats, la production, la finance, la direction… Son objectif est réconcilier le plan de ventes avec les capacités de production, tout en respectant les objectifs de l’entreprise (finances, budget, service etc.).

Mais attention, pour être efficace dans un monde VUCA, le S&OP doit respecter certaines règles : être orienté prise de décision et ne PAS traiter du court terme (de l’opérationnel) mais bien du moyen-long terme !

3. Anticiper ses besoins avec une Stratégie Industrielle bien pensée

Pourquoi définir une stratégie que l’on ne pourra pas tenir du fait des changements incessants diriez-vous ? En réalité, la définition d’une stratégie qui cadre les opérations est encore plus essentielle dans un monde VUCA pour éviter une approche purement réactive.

La stratégie industrielle formalise les objectifs principaux à poursuivre et donne un cadre aux actions, ce qui permet de toujours agir de façon cohérente. En cas de crise géopolitique localisée qui perturberait la production d’une usines par exemple, des objectifs de rentabilité de la production pourraient pousser à fermer le site. Mais des objectifs de niveau de service client vont plutôt inciter à le conserver.

La définition de la stratégie industrielle elle-même peut aider à favoriser la résilience en poussant au développement de Supply Chain plus courtes avec moins d’intermédiaires, ou en privilégiant des approvisionnements ou productions plus locaux.

4. Gérer les projets de Développement Produit par la Chaîne Critique (CCPM)

Dans un environnement VUCA, savoir lancer rapidement de nouveaux produits ou services sur le marché est indispensable pour suivre les évolutions des exigences clients. Il faut pouvoir capter des opportunités business qui n’avaient pas pu être anticipées ou faire face à des crises qui changent très fortement la demande ou la structure d’un marché. L’un des meilleurs exemples sont les entreprises du textile qui se sont converties très rapidement à la conception et production de masques pendant la crise COVID.

La gestion d’un projet de développement produit qui est par nature nouveau, contient une part d’inconnu qui rend les délais annoncés peu fiables. Et la plupart du temps plus longs que prévu. La méthodologie de la Chaîne Critique (CCPM : Critical Chain Project Management) est un bon outil pour gérer l’incertitude inhérente au monde projet. Il faut le voir comme un système de mutualisation des risques commun à l’ensemble des tâches du projet, qui permet de partager les dépassements, mais aussi les gains sur les durées estimées.

Ainsi cette approche apporte plus de fiabilité dans la tenue des délais, et va jusqu’à réduire le délai global de développement, indispensable pour faire face aux imprévus du monde VUCA.

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