La gestion de projet par la Chaîne Critique révolutionne la gestion de projet en introduisant des nouvelles notions comme la Chaîne Critique ou des nouveaux outils comme le Fever Chart. Cette approche délaisse le suivi des tâches individuelles au bénéfice de l’avancée générale du projet et de la consommation d’un buffer partagé.
Les limites de la gestion de projet classique
Depuis les années 1950, les projets sont majoritairement gérés avec la méthode PERT (Program Evaluation Review Technique) et le suivi du chemin critique. Si ces méthodologies ont fait leurs preuves, sont-elles toujours bien adaptées à notre monde d’aujourd’hui ? Personne ne peut nier que l’environnement a énormément évolué depuis 70 ans : les projets sont de plus en plus complexes, de plus en plus nombreux et de plus en plus soumis à des aléas.
Résultat ? Une nouvelle normalité des projets s’est installée avec ces méthodes de pilotage :
- Un projet qui se termine en retard ? Classique !
- Une tâche sur ou sous-estimée ? Courant !
- Négliger la capacité (limitée) des ressources ? Récurrent !
- Favoriser le multitâche alors qu’il réduit la productivité et la qualité ? Habituel !
Les retards sur chaque tâche s’accumulent, la replanification est permanente, et les ressources projet se retrouvent alors sous pression pour rattraper le retard.
La Gestion de projet par la Chaîne Critique ou CCPM
Face à cette nouvelle normalité, un nouveau mode de gestion des projets a émergé vers la fin des années 90 : la Gestion de Projet par la Chaine Critique, aussi appelé en anglais CCPM (Critical Chain Project Management). Attention ! Nous parlons bien ici de la chaîne critique et non du chemin critique connu de tous en gestion de projet ! Le chemin critique correspond à la plus longue séquence de tâches , la chaîne critique, ajoute la notion de disponibilité des ressources et leur capacité finie.
Il se base pour cela sur 5 principes :
Les principes de la Chaîne Critique
La Gestion de Projet par la Chaîne Critique se base sur quatre principes clés :
- Le planning est construit pour que les ressources se concentrent sur une seule et unique tâche à la fois. Fini le multitâche ! On identifie ainsi la chaîne critique, et plus spécifiquement les ressources critiques, ou goulots, qu’il va falloir protéger pour éviter les retards.
- L’encours de tâches est limité de manière à accélérer le flux. On commence les tâches au plus tard, mais on les termine au plus tôt. On s’assure de disposer de l’ensemble des données d’entrée et des ressources avant de démarrer. Cette notion s’applique également sur le lancement des nouveaux projets au sein d’un portefeuille.
- Le projet est protégé des aléas grâce à un buffer projet partagé et d’éventuels buffers auxiliaires. Ils sont dimensionnés en mutualisant les marges de sécurité individuelle de chaque tâche, sur le modèle de l’assurance qui protège les aléas individuels grâce à une cotisation commune payée par tous.
- Enfin, le pilotage du projet se focalise sur la consommation du buffer et non plus sur l’avancement individuel des tâches. Le fever chart, outil de management visuel simple mais ultra efficace devient le nouveau moyen pour évaluer l’avancement du projet et prédire sa trajectoire. Des actions correctives sont engagées uniquement en cas de surconsommation au niveau global du projet.
Les résultats de la Gestion de Projet par la Chaîne Critique
En plus de 20 ans d’existence, la démarche chaîne critique a fait ses preuves. De nombreuses entreprises lassées de terminer leurs projets en retard l’utilisent aujourd’hui.
Les industries compatibles avec la Chaine Critique
Cette approche a d’abord été déployée pour réduire les délais des projets de développement dans la défense, l’aéronautique ou la maintenance aérienne. Aujourd’hui, elle est présente dans tous les secteurs, pour tout type de projet et tout type d’entreprises (Grands groupes, ETI, PME).
- Mazda au Japon utilise cette approche pour tous les développements de ses nouveaux véhicules
- Lockheed Martin aux États-Unis l’a mise en œuvre pour réduire ses délais de développement et fabrication d’avions
- Lufhansa Tecknics en Allemagne a réduit les délais de ses opérations de maintenance avec le management par les flux… et la liste est encore très longue
Les avantages de la Gestion de projet par la chaîne critique
Les principaux benchmarks des entreprises ayant déployé la chaîne critique indiquent des gains majeurs* :
- La durée et les coûts des projets réduits de 40%
- Une augmentation de 70% des projets terminés dans les temps
- La capacité à délivrer des projets et à générer du cash accrue de 53%
- Les équipes projets plus sereines au quotidien
* Source : “Advanced Multi-Project Management” – 2013 – Livre de Gerald I. Kendall & Kathleen M,Austin
Quelles recommandations pour la mise en œuvre de l’approche Chaine Critique ?
La réussite de la mise en œuvre de l’approche par la chaîne critique passe par un changement de mentalité et de pratiques importantes qu’il ne faut pas sous-estimer :
- Estimer les tâches au plus juste en supprimant les marges individuelles
- Bannir le multitâche qui gangrène les plannings projet
- Ne pas chercher à optimiser la charge individuelle des ressources non goulot
- Éviter de lancer les projets trop tôt, finir ceux qui sont lancés : « Start finishing, Stop starting »
- Comprendre que le buffer est une assurance collective contre les aléas et non une provision que l’on peut couper pour gagner du temps
- Arrêter de suivre et communiquer les dates de fin de tâches
- Mettre en place une vraie gestion des ressources
Origine de la Chaîne Critique
La gestion de projet par la chaîne critique a été théorisée par E. Goldratt en 1997 dans son livre Critical chain, avant d’être reprise et approfondie par de nombreux autres experts. Elle s’appuie sur les concepts de la théorie des contraintes de Goldratt présentée la 1ère fois dans son livre « The Goal » : tout système contient un goulot et toute perte de temps sur un goulot est perdue pour l’ensemble du système. Ces concepts ont d’abord été appliqués dans l’industrie et sont à l’origine du DDMRP, considéré souvent comme le pendant de la chaine critique pour la planification de la production.