Faut-il continuer à gérer les projets comme on l’a toujours fait ?

Le travail en mode projet est devenu un standard dans toutes les organisations mais est-il maîtrisé et permet-il d’atteindre les objectifs fixés ? On peut dire sans se tromper qu’une majorité de projets arrivent en retard par rapport à l’objectif initial. La complexité grandissante des environnements projet, les aléas de plus en plus nombreux sont des causes évidentes expliquant ces retards. Peut-on imaginer de nouvelles approches pour mieux gérer ce nouveau contexte ?

Le mode pompier est devenu la norme

Aujourd’hui, les environnements projet classiques font face à de multiples difficultés :

  • Des projets qui terminent toujours en retard malgré l’ajout constant de ressources
  • Des multitudes de tâches lancées en parallèle sans qu’aucune ne se termine (dû souvent à un manque de données d’entrée)
  • Des ressources projet surchargées et des chefs de projet surmenés
  • Un portefeuille de projets congestionné, avec des délais annoncés extrêmement longs, incompatibles avec les attentes client
  • Des reportings projet toujours plus consommateurs de temps, mais qui ne permettent pas de réduire les retards

Mais pourquoi en est-on arrivé là ? Qu’est-ce qui explique de telles difficultés dans la maîtrise des projets, alors que les méthodes de Gestion de Projet, elles, sont très largement diffusées dans les entreprises et que tout le monde se revendique chef de projet. Qui ne connaît pas le principe du chemin critique, qui n’a jamais réalisé un diagramme de Gantt et estimé la durée des tâches ?

Ces problématiques vous parlent ?

Un changement d’environnement radical depuis l’invention des approches de Gestion de Projet

Les méthodes de Gestion de Projet ont été développées dans les années 50 pour les besoins de l’Armée américaine d’abord. Puis elles ont été diffusées dans les autres secteurs jusqu’à devenir un standard bien connu de tous, enseigné dans toutes les écoles, pour tout type de cursus.

Mais les environnements économiques des années 50 et d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir. Des changements majeurs se sont opérés. Le monde actuel peut être décrit comme VUCA, « Volatile Uncertain Complex Ambiguous », c’est-à-dire parfaitement imprévisible.

  • Le cycle de vie des produit s’est fortement accéléré : des renouvellements de gammes de plus en plus fréquents, une complexité et une variété beaucoup plus importante.
  • La pression sur les coûts s’est accrue considérablement
  • La capacité à contracter les délais est devenue un atout considérable.

Ces tendances de fond se retrouvent dans tous les secteurs. On pense tout de suite à l’automobile ou l’électronique grand public, mais c’est vrai en réalité sur les plupart des produits de la sphère B2B (produits de construction, produits chimiques, médicaments, biens d’équipement…).

En parallèle, le mode projet s’est imposé partout comme le standard pour mener à bien tout type d’activité en entreprise. De la conception produit, à la mise en place de systèmes d’information, en passant par la transformation des opérations, tout est projet. Cependant, le nombre croissant de fonctions impliquées dans ces projets, avec des ressources de plus en plus multi-sites et multi-culturelles, requiert une animation toujours plus complexe.

Les limites Gestion de Projet traditionnelle face à la démultiplication des projets et au nouvel environnement

Les méthodes de Gestion de Projet qui étaient très adaptées à un monde prévisible montrent désormais leurs limites. De plus, les biais classiques des comportements humains rendent encore plus difficile la maîtrise du système et la gestion des aléas.

Les problèmes commencent dès le lancement du projet avec des surestimations majeures de durée des tâches. Le multitâche, cachant la durée réelle nécessaire en est la cause principale. On ne sait plus travailler sur une seule tâche à la fois en tentant de la terminer au plus vite. On préfère avancer en parallèle sur plusieurs tâches, allongeant mécaniquement la durée totale pour les réaliser. Le pire est qu’on intègre cette contrainte dans la durée prévisionnelle de toutes les tâches gonflant artificiellement la durée totale du projet.

Mais ces durées sont en plus auto-réalisatrices, la logique de l’honneur, la loi de Parkinson ou le syndrome de l’étudiant poussent à consommer l’ensemble de la durée allouée. Résultat, on cumule les retards dans les projets, mais jamais les avances.

Lire aussi l’article sur L’estimation de la durée des tâches

Face à ces difficultés, les solutions qui ont été trouvées pour réduire les délais sont parfois pires que le mal. On demande plus de reporting aux équipes pour suivre les dépassements au niveau de chaque tâche. On limite ainsi leur capacité de  production sur le projet. On leur met la pression en imposant de façon arbitraire des délais irréalistes, en se disant que ça permettra sûrement de tenir l’engagement initial. Devant les décalages incessants, les chefs de projet deviennent fou avec une replanification permanente des tâches, beaucoup finissent d’ailleurs les projets complètement épuisés.

Quelles sont les alternatives possibles ?

Face à ces constats, quelles sont les options pour innover et mettre en place une gestion de projet efficace ?

Les méthodes Agile

Issues initialement du développement logiciel, elles se répandent rapidement dans le monde projet pour justement mieux gérer l’incertitude. Mais il faut avoir conscience de certaines limites de cette approche. En effet, elles sont fondamentalement basées sur l’idée que les équipes ne savent pas à quoi ressemblera le résultat final et sous quel délai elles l’obtiendront. Il est donc difficile de prévoir le coût, le temps et les ressources nécessaires au démarrage d’un projet. Or, les décideurs ne sont pas toujours prêts à accepter cette incertitude. Cette problématique s’accentue à mesure que les projets deviennent plus grands et plus complexes.

La Gestion de Projet par la Chaîne Critique

Aussi appelée en anglais CCPM (Critical Chain Project Management), c’est une méthode théorisée à la fin des années 90 qui a fait ses preuves pour mieux gérer les aléas et les incertitudes des projets et fiabiliser l’engagement sur la date de fin. Cette approche se base sur quatre principes clés :

  • La planification projet à capacité finie avec des ressources en monotâche exclusivement
  • La limitation des encours
  • La protection contre les aléas grâce à un buffer projet partagé
  • Le pilotage projet via un seul indicateur visuel, le fever chart

 La Gestion de Projet par la Chaîne Critique peut s’appliquer à tout type ou taille de projet, et dans tous les secteurs d’activités. Ses principes sont simples à appréhender mais son application nécessite des changements culturels à ne pas sous-estimer.